Il s’agit des lectures propres au dimanche des Rameaux dans l’une des traditions chrétiennes.
La lecture du Prophète Ésaïe éclaire la condition de disciple du Seigneur : est disciple celui qui se sert de la langue que Dieu lui donne afin de soulager l’affaibli. L’écoute de la Parole du Seigneur mène spontanément à l’action, au service ; par cette posture d’empathie envers le plus faible, il est donné à l’auditeur de la Parole de participer à l’œuvre de miséricorde de Dieu lui-même. Le chemin de service que le fidèle est invité à emprunter n’est pas sans embûche ; en effet, la liberté de chaque individu, qu’elle l’incline au bien ou au mal, ne peut pas être entravée par la grâce du Seigneur que reçoit celui qui veut bien l’entendre : Dieu ne peut pas empêcher le mal que les créatures libres commettent ou provoquent, mais il donne aux fidèles, qui deviennent ses collaborateurs dans la dispensation de la miséricorde au monde, une participation graduelle à l’impassibilité qui Le caractérise.
Dans sa lettre aux Philippiens, l’Apôtre Paul utilise une notion bien singulière pour désigner la gloire du Christ : celle de la kénose, de l’anéantissement volontaire, littéralement du vidage de soi-même. Jésus, qui est Dieu-avec-nous, se vide de sa propre vie pour nous faire participer à lui, pour nous faire une place chez lui. Dans ce passage, l’on sent poindre la théologie de multiples Pères grecs, qui enseignera que Dieu s’est homme pour que l’homme puisse devenir dieu. Et le chemin qui mène à la divinité est celui du service d’autrui, dont la cause est dans l’amour, qui ne se réduit ni au sentimentalisme ni à la rationalité, mais qui embrasse tout l’être. Par amour, Dieu s’approche pour nous rapprocher de lui, mais aussi les uns des autres, et pour ouvrir des voies de communion. L’une de ces voies éminentes de communion à la vie divine consiste dans l’invocation du nom de Jésus, qui a donné lieu, dans certaines traditions chrétiennes, à une prière de litanie teintée de douceur, consistant dans l’invocation perpétuelle du nom de Jésus-Christ.
Enfin, dans l’extrait évangélique de Luc, qui se rapporte directement à la fête des Rameaux, l’on trouve une confirmation de l’enseignement vétérotestamentaire : le Seigneur Dieu est un dieu de tendresse, qui crée dans la douceur, qui déploie sa force dans la faiblesse. « Le Seigneur a besoin… » Cette formule, à elle seule, est pétrifiante pour l’oreille humaine ; Dieu a besoin, lui le Transcendant, le Saint s’approche de nous si près, si bas ! qu’il en vient à avoir besoin. Et ce n’est pas tout, il a besoin, non de fastes et de splendeurs, mais d’un ânon, du petit d’une ânesse, le petit de celle qui porte le joug. Par ce parachèvement de l’enseignement de Jésus, les fidèles apprennent que le Maître de tout est d’une humilité extrême, que celui qui est fort contient sa force pour la mettre au service d’autrui. Ce n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle conception de la royauté et de la puissance que Jésus enseigne dans ce passage si connu et, à la fois, trop rarement relu.
L’entrée du Christ à Jérusalem, qui est l’une des manifestations majeures de sa condition royale, constitue le moment d’accomplissement d’une vision toute biblique de la domination et de l’autorité : loin de la manière de concevoir que l’on apprend dans la plupart des traditions humaines, l’Évangile, dans le prolongement de ses racines dans l’Ancien Testament, invite à considérer la force comme une faculté de servir, et la faiblesse comme un espace d’action pour la puissance de Dieu.
Seigneur Jésus, tu nous as montré le chemin vers le Père, en devenant toi-même chemin. En partageant en tout notre condition jusqu’à l’extrême humilité, tu nous soutiens : aussi bas que nous puissions descendre, tu es descendu plus bas encore pour nous relever, afin que, jamais, le désespoir ne puisse nous envahir. Loué sois-tu pour ton œuvre de salut.
Nous te rendons grâce de ce que tu nous offres de partager ta mission auprès de nos frères et sœurs, et, en nous approchant d’eux, nous nous rapprochons de toi, par la grâce de l’Esprit. En lui, nous t’invoquons et te suivons vers le Père, pour les siècles des siècles.
La médiation et la prière qui vont nous conduire au grand Dimanche des rameaux ont été tissées par le Père orthodoxe Christophe d’Aloisio et
illustrées par les créations de galets ( "BD en cailloux" ) de l’artiste syrien Nizar Ali Badr.